La poesía es la única compañera. Acostúmbrate a sus cuchillos que es la única (Raúl Gómez Jattin)

27 octubre 2013

A ti viva - Vicente Aleixandre (Sevilla 1898-1984) - à toi vivante

Celui qui n'a jamais gouté à l'interdit qu'il me jette la première pomme. 
Que aquel que nunca a probado lo prohibido me arroje la primera manzana
Adbellatif Laâbi
JR - Women are heroes

Cuando contemplo tu cuerpo extendido como un río que nunca acaba de pasar, como un claro espejo donde cantan las aves, donde es un gozo sentir el día cómo amanece. Cuando miro a tus ojos, profunda muerte o vida que me llama, canción de un fondo que sólo sospecho; cuando veo tu forma, tu frente serena, piedra luciente en que mis besos destellan, como esas rocas que reflejan un sol que nunca se hunde. Cuando acerco mis labios a esa música incierta, a ese rumor de los siempre juvenil, del ardor de la tierra que canta entre lo verde, cuerpo que húmedo siempre resbalaría como un amor feliz que escapa y vuelve...
Siento el mundo rodar bajo mis pies, rodar ligero con siempre capacidad de estrella, con esa alegre generosidad del lucero que ni siquiera pide un mar en que doblarse. Todo es sorpresa. El mundo destellando siente que un mar de pronto está desnudo, trémulo, que es ese pecho enfebrecido y ávido que sólo pide el brillo de la luz. La creación riela. La dicha sosegada transcurre como un placer que nunca llega al colmo, como esa rápida ascensión del amor donde el viento se ciñe a las frentes más ciegas.
 Mirar tu cuerpo sin más luz que la tuya, que esa cercana música que concierta a las aves, a las aguas, al bosque, a ese ligado latido de este mundo absoluto que siento ahora en los labios.
Quand je regarde ton corps étendu comme une rivière qui coule sans cesse, comme un miroir transparent dans lequel chantent les oiseaux, où sentir le jour levant c'est jouir. Quand je vois dans tes yeux, mort profonde ou vie qui m'appelle, chanson d'une profondeur que je ne fais que soupçonner; quand je vois ta forme et ton front serein, pierre lumineuse où mes baisers scintillent tel des rochers reflétant un soleil qui ne connaît pas de coucher. Quand j'approche mes lèvres à cette musique imprécise à cette rumeur pour toujours juvénile, ardeur de la terre qui chante au coeur du vert, corps humide, toujours glissant tel un amour heureux qui échappe et qui revient... Je sens le monde échapper sous mes pieds, tout léger, toujours en qualité d'étoile, toujours avec sa joyeuse générosité filante qui ne réclame même pas de mer pour se plier. Tout est surprise. Le monde brille et sent la soudaine nudité d'un océan frémissant, c'est cette poitrine fiévreuse et avide qui ne demande que l'éclat de la lumière. La création brasille. Le bonheur calme passe comme un plaisir qui n'est jamais comblé, comme la rapide ascension de l'amour où le vent se serre contre les fronts les plus aveugles. Regarder ton corps, illuminé par ta seule lumière, sans autre musique que celle qui rapproche les oiseaux, les eaux, la forêt au battement de cœur serré du monde absolu que je sens maintenant dans les lèvres.